VUES D’ARTISTE

05 novembre - 17 décembre, 2022

A l’heure où le télescope James Webb nous fait parvenir de bouleversantes images des étoiles dans une définition jusque-là inédite, Baptiste Rabichon fait des allers-retours entre sa table à dessin lumineuse et le noir absolu de son labo photo ; il nous en ramène ses propres visions du Cosmos, sa nouvelle série, Vues d’artiste.

Nommée ainsi en hommage à ces illustrations d’objets, d’êtres ou de phénomènes dont on n dispose pas de représentations photographiques et qui accompagnent souvent les articles de vulgarisation scientifique, Vues d’artiste est une promenade dans un univers fantasmé, peuplé d’astres et de paysages insolites. Une promenade résultant d’une étrange alchimie, entre geste du dessin et processus photographique.
Sur de petites feuilles de calque, Baptiste Rabichon dessine des sphères, des points, des taches…

Ces esquisses transparentes il les dispose ensuite, dans l’obscurité totale, sur du papier photosensible avant d’enclencher l’agrandisseur… Fiat lux. Et la lumière, traversant le calque, créé la nuit. Un authentique noir photographique qui vient englober le dessin, transformant ainsi chaque sphère, point, tache en autant de planètes, étoiles et galaxies. Par la rencontre du dessin et du photogramme naissent donc ces petits univers, que Baptiste Rabichon fabrique autant qu’il les regarde apparaître, se rappelant sans cesse qu’image est l’anagramme de magie.

Tranchant avec la fiction des Vues d’artiste, les œuvres de la série SPECIMENS, que Baptiste a construit comme la suite de son vaste projet XXe siècle (et dont l’une des pièces clôture l’exposition, comme un adieu à ce travail) sont le résultat d’un véritable enregistrement, précis et minutieux, d’échantillons de matière colorée. Rien d’imaginaire donc dans SPECIMENS, si ce n’est dans ce que l’on croit observer ; micro-organismes, cellules, algues, virus ?

Des milliers de corpuscules flottant, saisis par on ne sait quel microscope de haute précision… Les zones de flou, que l’on aperçoit ça et là, laissent deviner que ces grands tirages sont le fruit d’un processus analogique complexe, entre empreinte et projection optique ; l’artiste enchainant les gestes photographiques afin de scruter au plus près ces surprenants spécimens polychromes, ces échantillons de soupe primitive… Et de nous en rapporter ces majestueuses épreuves couleur.

Infiniment grand / infiniment petit, microscope / télescope… derrière ces évidentes oppositions, dont il a malicieusement constellé sa nouvelle exposition, Baptiste Rabichon joue, avec ce qu’il voit et aimerait voir, ce qu’il imagine et ce qu’il trouve, ce qu’il a sous la main et ce
qu’il fait avec. Virevoltant du songe au signe, du conte à la preuve, il nous livre un nouvel ensemble d’œuvres subtiles, entre vision et observation.