La théorie du Big Slurp avance que n’importe où et n’importe quand dans l’univers, une bulle de vide pourrait apparaître, gonfler à la vitesse de la lumière, engloutissant tout sur son passage.
C’est ce postulat qui a servi de fil conducteur à Louis Lanne pour cette première exposition monographique. Une volonté de représenter des mondes variés à l’instant T de leur disparition. Dislocation, dissolution et fragmentation structurent les peintures; C’est le moment où l’abstraction et la figuration se brouillent, où le trait et la couleur se désynchronisent, où le dessin et la peinture sont dissociés.
L’artiste a choisi un support de travail bien peu conventionnel, le tableau Velleda, par essence éphémère et effaçable, comme avec le Big Slurp où tout finit par se dissoudre ou disparaître. Le travail de Louis Lanne joue de cette impermanence: Sur son Velleda, des strates de matières a priori incompatibles, telles que la peinture à l’huile, le feutre, la colle, la résine ou le goudron, se superposent entre translucidité et dissimulation pour former des microcosmes saturés de couleurs et de signes. Chaque trait ou forme est temporaire, pouvant être effacé ou dilué par la couche de peinture et de résine suivante.
Dans un imaginaire empreint d’une ironie bon enfant, Louis Lanne capture tout ce qui lui traverse l’esprit : ses œuvres témoignent de la spontanéité du coup de crayon qui génère des saynètes saugrenues. De l’école Saint-Luc en Belgique à celle d’Estienne, l’artiste s’est doté d’un solide bagage en édition de bande dessinée qui s’est déployé en peinture et consolidé à l’École des Beaux-arts de Paris.
Les histoires s’imbriquent les unes sur les autres comme si les pages d’une bande-dessinée étaient faites en papier calque. ses motifs évoquent les lignes droites des cahiers d’école, ses couleurs acidulées se déclinent comme un arc-en-ciel, et ses petits personnages évoquent des créatures de Peyo.
L’ensemble crée un impressionnant foisonnement pictural. Au milieu de cette multitude de discours visuels, il devient difficile de fixer son regard, car il est constamment captivé par des détails, incitant à s’approcher davantage. Or, c’est en s’approchant que s’opère une plongée délirante dans une épopée en filigranes, sur les traces d’horizons hybrides, ou l’artiste dissimule çà et là des bribes de narration qui s’échappent et restent ouvertes à toutes interprétations.
Avec le soutien aux galeries du Centre national des arts plastiques