UMWELT…

RERO
10 avril - 07 juin, 2014

Artiste analytique – pour citer le critique italien Achille Bonito Oliva – Rero s’intéresse aux codes de notre société : considérant l’Art comme un système d’alarme capable de réveiller la conscience collective, il intervient dans des espaces publics et privés dans une volonté de rendre à la contemplation de l’œuvre d’art sa correspondance entre ordre esthétique et moral.
Son travail à mi-chemin entre art urbain et art conceptuel a d’abord trouvé son inspiration dans la culture du graffiti, en particulier dans l’imagerie des premiers tagueurs new-yorkais.

Artiste complexe, il décode les différents langages de notre culture et les transpose à sa manière afin de les rendre plus accessibles.

« Tu crois effacer le mot en le barrant. Ignores-tu que la barre est transparente ? Ce n’est pas la plume qui barre le mot mais les yeux qui le lisent »

Edmond Jabès, L’Ineffaçable. L’Inaperçu, Paris, Gallimard, 1980

Avec un style visuel très distinctif, Rero explore le terrain de la représentation et de la négation.

Ses interventions se composent toujours d’un message barré par une ligne noire, rigoureusement tracée dans la partie supérieure du mot, comme pour laisser ouverte toute possibilité d’interprétation.
Ses œuvres antinomiques se servent de l’astuce freudienne qui consiste à affirmer en utilisant une double négation, se positionnant à mi-chemin entre l’autocensure et la nécessité de véhiculer un message.
Qu’ils apparaissent au milieu des espaces urbains ou en plein nature ; qu’ils soient écrits sur les surfaces les plus variées (murs en ruines, façades d’immeubles, affiches, livres, feuilles blanches…), les mots barrés de Rero affichent toujours la police Verdana qui – depuis sa création en 1996 – est devenue la plus répandue sur le net, comme une sorte d’écriture lambda libérée de toute association.

L’exposition à la Galerie Paris-Beijing retrace le parcours de ce jeune artiste devenu aujourd’hui un acteur incontournable de la scène internationale, notamment après ses désormais célèbres performances au Centre Pompidou ou encore au Grand Palais à Paris.
La confrontation avec les volumes de l’architecture de Victor Horta sera l’occasion pour l’artiste de créer des œuvres in-situ d’envergure.

Parmi les œuvres présentées à Bruxelles, la série Nature Morte : des mots surprenants imprégnés d’énergie urbaine mais liés au contexte précis du milieu naturel dans lequel ils émergent et dont nous pouvons être aujourd’hui les spectateurs uniquement grâce au document photographique qui fige la performance.
Ou encore ses livres recouverts de résine qui véhiculent une analyse sur l’impact de l’arrivée d’Internet sur les individus. Le web a perturbé les notions de privé et de public, mais aussi de propriété intellectuelle. La « révolution numérique” a métamorphosé la communication, le livre en papier devient obsolète et symbole par excellence de ces bouleversements.

En 1909, le biologiste Jakob von Uexküll, introduit le concept de “Umwelt”. Par ce mot le scientifique allemand voulait exprimer une observation simple mais fondamentale: chaque organisme du même écosystème a une expérience sensorielle “propre” et il réagit de façon différente aux stimuli extérieurs.
Aujourd’hui partant de cette notion à mi-chemin entre la biologie, la communication et la sémiotique nous pourrions aller jusqu’à affirmer que les individus, pourtant issus de la même espèce, peuvent avoir une perception différente de leur univers, à travers le prisme déformant de leurs sens et de leur bagage culturel.

Le caractère hétéroclite de sa production se manifeste notamment dans cette sélection de travaux plus récents, représentant les dernières recherches de l’artiste sur la négation de l’image: des installations à la photo, de la vidéo à la sculpture, il nous livre sa vision du monde et nous interroge sur la complexité de notre époque.

Né en 1983, Rero a présenté ses œuvres dans de nombreuses institutions publiques comme le Centre Georges Pompidou, Le Musée en Herbe, le Musée de la Poste, Confluences à Paris ou encore l’Antje Øklesund de Berlin. Plus récemment, son travail a bénéficié de nombreuses expositions en France, aux Etats-Unis, en Italie, en Allemagne et en Suisse.

À l’occasion de ses dernières expositions à Paris et à Bruxelles, les Editions Gallimard (Alternatives) publient une monographie sur le travail de Rero, disponible à la galerie.