Qu’est-ce qu’une racine?
Ce mot ancien, issu du latin « radix », désigne d’abord ce qui lie l’être vivant à la terre. Invisible mais vital, c’est par elle que la plante puise sa sève, son ancrage, sa mémoire.
PARIS-B vous convie à la première exposition personnelle de Souleimane Barry à la galerie, intitulée Racines.
Qu’est-ce qu’une racine?
Ce mot ancien, issu du latin « radix », désigne d’abord ce qui lie l’être vivant à la terre. Invisible mais vital, c’est par elle que la plante puise sa sève, son ancrage, sa mémoire.
Mais au-delà du règne végétal, la racine est aussi une métaphore universelle : celle de nos origines, de notre appartenance, de nos transmissions silencieuses.
Dans cette nouvelle série de toiles, Souleimane Barry explore les racines dans toute leur richesse polysémique. Il interroge l’interdépendance du vivant, la force des cycles naturels, mais aussi la fragilité de nos liens fondamentaux – à la nature, à la terre, à nos histoires. Ses personnages, toujours en tension entre l’apparition et la disparition, semblent émerger d’un sol ancien, d’un humus partagé. Leurs gestes, leurs regards, leurs postures évoquent à la fois l’ancrage et le passage. C’est un mot qui parle de l’intime autant que du collectif.
Racines n’est pas un retour aux origines, mais une quête d’ancrage vivant. Le peintre plonge dans les profondeurs
pour faire surgir un présent incandescent, traversé par le déracinement autant que par le désir de réancrage dans un monde commun.
Dans la nature, rien ne pousse sans un système souterrain. La racine n’est pas un simple passé : c’est une architecture
active, une condition de croissance. Elle relie l’être au sol autant qu’à une dynamique.
Édouard Glissant, pour sa part, proposait une autre conception : la racine non plus unique, verticale, enracinée « au fond d’un seul sol », mais multiple, mouvante, en réseau. Ses « racines rhizomes » ne s’opposent pas à l’Autre, ne s’arment pas contre l’extérieur, mais se mêlent, bifurquent, se croisent. Elles fondent une identité relationnelle, ouverte, créole.
Comme l’écrivait Simone Weil dans L’Enracinement, « le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » est précisément celui d’avoir des racines. Selon elle, l’homme, privé de ce lien vital, devient vulnérable à toutes les formes de dérive – politique, morale, existentielle. Mais ces racines ne sont pas conservatrices : elles donnent force, résistance, densité, permettant d’habiter le monde avec intensité.
Dans l’œuvre de Souleimane Barry, cette idée traverse la matière. Ses figures semblent jaillir d’un terreau commun, gorgé de mémoire, de silence, de gestes anciens. Elles sont traversées par la sève du monde — celle qui lie les insectes aux fleurs, les hommes aux saisons, l’eau aux corps. Racines est aussi une écologie picturale : un monde où chaque chose est tenue par ce qui la relie, où rien ne pousse seul. Car en réalité, toute chose terrestre a ses racines : dans le sol, dans l’air, dans les autres. L’art aussi.
Chez Souleimane Barry, les racines ne sont pas qu’un motif symbolique : elles s’incarnent dans la matière même de la peinture. L’artiste y mêle l’eau et l’huile, détourne les principes traditionnels de compatibilité, fait cohabiter ce qui normalement se repousse. Il en résulte des textures inédites, des peaux vibrantes, des accidents féconds, comme si la toile elle-même devenait un organisme vivant, traversé par des forces opposées.
Barry fait dialoguer les contraires, provoque des tensions, laisse advenir des formes organiques instables, comme issues d’un sol en mutation. Ses surfaces deviennent ainsi les terrains d’une germination picturale : un humus où cohabitent les règnes végétal, animal et humain, les mémoires profondes et les échos contemporains. À la manière des racines, ses gestes relient, irriguent, infusent — parfois à peine visibles, mais toujours à l’œuvre sous la surface. Chaque toile devient un lieu de passage, de transformation lente, où quelque chose cherche à pousser. À renaître.
Dans un monde qui se délie, Racines nous invite à refaire lien. À ralentir. À regarder ce qui nous relie encore. Et peut-être à réapprendre à pousser ensemble.
Né en 1980 au Burkina Faso, Souleimane Barry est un artiste peintre installé en France. Son Afrique natale, ses racines et son rapport à la nature constituent le socle d’une pratique picturale expérimentale. Il a suivi plusieurs formations, notamment à l’atelier de calligraphie de Bobo-Dioulasso, ainsi qu’à l’atelier de calligraphie de panneaux publicitaires, ce qui lui a permis de développer son style éclectique.